Sombre héroine de la mer
Florence Arthaud par Queffélec, voila un ouvrage qui évoque les embruns, l'aventure, et surtout la littérature. Quoi de plus romanesque que la vie de cette immense navigatrice, bravant aussi bien les mers du globe que les avis railleurs des hommes de son temps, pour qui réunir femmes et régates était inenvisageable. Queffélec trouve au sein de ce récit une place toute particulière : ami en retrait, confident de l'ombre, observateur discret. Un portrait magnifique, une ode à la soif de liberté, de découverte et d'indépendance.
Vol au-dessus d'un nid de coucous
Marius Jauffret livre dans cet ouvrage un témoignage glaçant sur les structures psychiatriques françaises. A cause de son alcoolisme, son frère prends la décision de l'interner dans un hôpital, pensant que Marius pourrait quitter l'établissement au bout de quelque temps. Mais sans l'aval du médecin chef tyrannique, Marius demeure enfermé, contre son gré, dans des conditions déplorables. En plus de ce cri désespéré qui court le long du texte, Jauffret fils pose des questions centrales de la vie en société, sur la frontière entre réalité et folie, entre soin et dégâts irréversibles.
Bien pensance et Covid
Des livres sur le Covid, il y en a pléthore: par des scientifiques, des responsables politiques, des médecins,... Et les auteurs dans tout ça? Iegor Gran, de son expérience très personnelle du Covid et du confinement, livre ici un petit texte piquant sur les comportements des foules durant cette période bouleversée. Si tout le monde en prend pour son grade, il faut aussi saluer la plume corrosive de l'auteur, drôle et grinçante, qui justifie à elle seule la lecture de ce petit essai. En 133 pages, on réfléchit sur l'hommage rendus aux soignants, chaque soir à vingt heures; on se questionne sur les conditions de vies des professionnels qui ne peuvent exercer à cause du virus et des restrictions; on pense, tout simplement.
Enfants du désastre
Au cœur du Denver de la fin XIXème vivote une bande de gamins des rues, complètement en marge de la société. Leur quotidien n'est fait que de mendicité, de larcins et d'affrontements avec les clochards de leur quartier. C'est lors d'une de ces attaques qu'ils croisent la route d'un géant muet, faisant basculer les enfants dans le monde des adultes qui les fascine autant qu'il les rebute. Benjamin Whitmer tisse ici un chef-d’œuvre social, à mi-chemin entre Zola et Dickens, d'une maestria littéraire absolue : on est tiraillé du début à la fin de l'ouvrage entre désir de voir les personnages s'en sortir et révolte contre l'univers corrompu qui les voit grandir pour mieux les dévorer. Un roman ou amitié et humanité s'allient pour lutter contre la brutalité de la vie : un ouvrage qui, à l'image de son titre, explose les carcans et s'impose par sa virtuosité.
Il était une fois hors d'Hollywood
Rédigé comme un script de cinéma, Chinatown, intérieur prend pour protagoniste un jeune asiatique au rêve un peu fou : devenir une vedette de cinéma en Amérique. Mais pour lui, la seule option est de devenir un maitre d'arts martiaux pour sortir des petits rôles de second plan auxquels il est tout le temps relégué. Avec son traitement littéraire atypique, Charles Yu s'intéresse à la discrimination des asiatiques aux USA, bien moins médiatisée que celle des afro-américains : un joli contre-pied qui reste ancré dans l'actualité. L'écriture est superbe, tantôt fulgurante, tantôt intimiste : un ovni littéraire séduisant et touchant, comparable à aucun autre texte de cette rentrée.