Gogol a 25 ans lorsqu’il entreprend d’écrire la nouvelle « Pages du journal d’un fou » (selon le titre original que lui donna Gogol, et non simplement : « Le journal d’un fou »). Cette prose parut pour la première fois un an après sa rédaction, en 1835, elle fait partie du recueil de textes Arabesques. On le connaît généralement comme l’un des cinq récits qui composent « Les nouvelles de Pétersbourg », bien que Gogol ne les ait jamais réuni lui-même sous ce titre, ni par ailleurs fait paraître à part aussi ces cinq textes.
Écrite à la première personne, la nouvelle se présente sous la forme de pages, semble-t-il retrouvées, d’un journal intime tenu par un petit fonctionnaire pétersbourgeois de quarante-deux ans dont le nom complet ne nous est révélé qu’à la fin : Aksenti Ivanovitch Poprichtchine, allant du 3 octobre d’une année non spécifiée à une date pour le moins incompréhensible, le narrateur ayant perdu jusqu’à la notion du temps.
Gogol est le premier, du moins dans la littérature russe, à avoir ainsi donné vie aux « petites gens », à avoir ouvert la porte à la cohorte des invisibles qui peuplent les villes pour nous les rendre visibles, vivants. Combien d’écrivains ont ensuite marché sur ses traces !
Dostoïevski, qui lui vouait une immense admiration, aurait dit – selon les propos rapportés par Eugène-Melchior de Vogüé – « Nous sommes tous sortis du Manteau de Gogol ! »
Le talent comique et réaliste de Gogol ne se dément pas. Un souffle surnaturel traverse la réalité, le comique bouscule le tragique quand, au détour d’une page, le rire prend le pas sur l’effroi.
Livre illustré par des dessins d'Anne Gourouben.